Phénoménologie | en cours

La phénoménologie est l’une des pensées majeures de la philosophie du XXème siècle. Moins que l’unité d’une doctrine, c’est le recours à une même démarche qui rassemblent les penseurs qui s’en réclament. Les phénoménologues entendent, en effet, traiter les problèmes philosophiques par la description des grands types d’expériences humaines. L’idée majeure de la phénoménologie est la suivante: chacune de nos expériences a une forme spécifique qui lui est prescrite par la chose à laquelle elle a affaire, si bien qu’en analysant la structure d’une telle expérience je pourrais accéder à un discours susceptible de répondre aux interrogations sur cette chose. Pour le comprendre, il faut préciser cette notion de forme de l’expérience. Prenons un exemple cher à Husserl : une chose dans l’espace. Quelle que soit cette chose, l’expérience de celle-ci obéira à certaines contraintes, invisibles au premier abord, mais saisissables si j’y réfléchis un peu: une chose dans l’espace ne peut être vue en entier, d’un seul coup, elle doit être être appréhendée en plusieurs visions successives; ces visions doivent être cohérentes; chacune d’elles peut apporter une correction à toutes les autres. Pareille analyse met alors en lumière que l’expérience, pour être expérience d’une chose spatiale, doit avoir une structure précise. Une telle structure est donc ‘a priori’, puisque sans elle nous n’aurions pas affaire à une chose spatiale. D’autre part, nous avons ainsi, en décrivant l’expérience la plus minimale d’une chose spatiale, compris le sens d' »être dans l’espace », puisque être dans l’espace veut dire, de façon rigoureuse, être susceptible d’une expérience de la forme que nous venons d’indiquer. On aura compris avec cet exemple comment la description du vécu de quelque chose peut nous faire accéder au ses de cette chose.
Soulignons alors deux points. Premièrement, alors que nous vivons les expériences, nous sommes communément attentifs à l’objet de celles-ci, et non à la structure ‘a priori’, de sorte qu’il faudra une conversion de l’attention pour que cette dernière apparaisse. Sous diverses modalités, on retrouvera chez la plupart des penseurs auxquels nous nous intéresserons l’exigence d’une telle conversion du regard. Deuxièmement, dans la mesure où l’expérience est structurée différemment selon les objets auxquels elle est confrontée – chose spatiale, objet mathématique, objet d’art, objet d’affection, etc, – il y aura plusieurs axes de la phénoménologie: phénoménologie de la perception, de la volonté, de l’affectivité, de l’art, etc. C’est pourquoi l’apparition de la phénoménologie va de pair avec la reconnaissance d’une dignité égale de tous les domaines de l’expérience.

HUNEMAN Philippe KULICH Estelle, ‘Introduction à la phénoménologie’, Armand Colin, Paris, 1997, p.5