Rossi | préface à Loos

Traduction

Aldo Rossi, L’Archittetura di Adolf Loos

Le traducteur est un menteur qui dit la vérité. (1)

La réussite du traducteur ? Comme disait Borges : quand l’original est infidèle à la traduction. (2) (3)

Démarrée en 2012, et juste ‘achevée’, cette traduction est mon premier essai dans ce hobby. J’étais auparavant assez naïf quant au transport du sens d’une langue dans une autre, même si la possibilité de la traduction de la poésie (images mais surtout rythmes et sons) m’intriguait.

Je m’étais bien rendu compte quelques années plus tôt que le traducteur devait connaître de façon intime l’environnement du sujet sur lequel il travaillait.

Ce n’était manifestement pas le cas de celui du livre de l’australienne Fiona Capp, Ce sentiment océanique – Mon retour au surf (Actes Sud, 2005) dans lequel le surfer dévalaient des ‘tonneaux’ (barrels) et les sauveteurs fonçaient derrière les vagues en ‘ski nautique’ (jetski).

Et j’ai un doute quant à la connaissance de l’architecture du traducteur de Hausbau und dergleichen de Heinrich Tessenow paru aux éditions de l’EPFL de Lausanne (PPUR) en 2019 sous le titre Autour de la maison …

Le texte d’Aldo Rossi sur Loos (introduction à Benedetto Gravagnuolo, Adolf Loos, Idea Books Edizioni, Milano, 1981) associait deux noms fondamentaux dans ma formation (4). Ayant eu accès à la version américaine du livre parue chez Art Data en 1995, je m’attaquais à la traduction de l’anglais, que je maitrisais imparfaitement (globish : global english) mais toujours mieux que l’italien, langue latine pourtant la plus proche du français après le catalan. Et l’idée que Proust ignorait à peu près l’anglais quand il commença à traduire Ruskin me libérait un peu.

Dès le troisième paragraphe (le texte en compte environ 40) le texte anglais me perdait avec une évocation d’illuminés (illuministic meaning of the progress of things). Le retour à l’italien m’indiquait que Rossi faisait là référence à la philosophie des Lumières. Dans ce même paragraphe, une longue citation de l’Homme sans qualité de Musil semblait décisive. Mais comment, du coup, faire confiance au traducteur anglophone de ce chef d’oeuvre. Et d’ailleurs la version italienne utilisée par Rossi était-elle fiable ?

Je me lançais donc dans la lecture de la traduction française par Phillipe Jacottet (Points Seuil 2004), ouvrage exigeant mais dont la lecture est rendue fluide grâce au talent du grand poète suisse.

Début 2020, ayant progressé en moyenne d’un paragraphe par an, et compte-tenu de mon espérance de vie, je prenais conscience que je laisserai sans doute inachevé ce décisif travail.

Dix-sept mars 2020, virus et confinement : la course des rats, chacun rentre chez soi. Dans les premiers jours cotonneux, je devais traduire en anglais une proposition de contrat. Un ami britannique me conseille DeepL (programme de traduction allemand en ligne, autrefois nommé Linguee). Les premiers tests sont bons : la traduction est imparfaite mais le sens ‘passe’.

L’exploration simultanée du web à la recherche d’un logiciel de reconnaissance optique de caractère m’amène à OnlineOCR, gratuit pour les petits textes et peu coûteux pour les longs.

Je repassais à cette double moulinette toutes mes textes scannés laissés en attente de traduction depuis des années et obtenais rapidement un très grand nombre de textes traités mais laissés bruts, au sens confus.

Et je reprenais mon ‘Rossi sur Loos’.

Un été plus tard, en voici la version provisoirement finale : en démarrant cette note, j’écrivais la traduction ‘achevée’ entre guillemets car chaque nouvelle lecture me la fait modifier, esquisses sans fin.

HT, 18/09/2020

NOTES

  1. et 2. Pierre-Emmanuel Dauzat dans La Croix, 13 février 2020
  2. Illustration : Elliott Erwitt/Magnum, Florida Keys, 1968 (détail), couverture de Umberto Eco, Dire presque la même chose – Expériences de traduction, Grasset & Fasquelle, 2006
  3. Un autre texte de Rossi sur Loos a été publié en français : « Introduction à Adolf Loos » dans Felice Fanuele & Patrice Verhoeven, Adolf Loos, Mardaga, Liège, 1983.

Le texte se conclut par : « Ainsi, alors que tout artiste mineur recherche son propre espace original, les meilleurs se donnent pour but de copier les anciens et de parler comme eux et cela est ce que j’ai le plus appris d’Adolf Loos. »