Charlotte Paranteau
« Passer un pont, traverser un fleuve, franchir une frontière, c’est quitter l’espace intime et familier où l’on est à sa place pour pénétrer dans un horizon différent, un espace étranger, inconnu, où l’on risque, confronté à ce qui est autre, de se découvrir sans lieu propre, sans identité. »1 Jean-Pierre Vernant
Passage, franchissement, limite… m’ont toujours suscitée de nombreuses interrogations comme l’attestent mes travaux passés. En ce temps de diplôme, où le passage de l’état d’étudiant à celui de professionnel approche, ce sont les limites ultimes des frontières qui m’intéressent tout particulièrement. L’indifférence et la négligence spatiale dont elles témoignent aujourd’hui sont en effet une grande source de frustration. Le moment du panneau signalétique où nous passons d’un pays à un autre est un moment de doute où nous avons l’impression de n’être nulle part si ce n’est dans un entre-deux suspendu, comme une bulle n’appartenant à personne, un rêve sans propriétaire… Comment des lignes capitales sur le papier peuvent-elles devenir des espaces sans intérêt dans la réalité ? La nécessité de les révéler devient alors une intuition voire une conviction qui donna naissance à ce travail à même d’interroger sa validité.
Le temps imparti à la fin des études sera celui de l’apprentissage de notions inconnues et de projets encore inexpérimentés. Ainsi, au gré de mes expériences personnelles, le choix du support s’est porté sur l’emprise ferroviaire de la ville d’Irun et plus précisément sur sa gare puisque gare et frontière sont toutes deux, à des échelles différentes, des lieux d’échanges, de rencontres, de passage…dotées d’une envergure symbolique.
Cette attitude pour le moins subjective soulève de nombreux thèmes de recherche et d’analyse. Aborder la notion de frontière en premier lieu, puis questionner son avenir au sein de l’espace Schengen avant de se confronter à sa réalité franco espagnole… par la suite se plonger directement dans l’atmosphère d’Irun à travers le fer, son histoire, ses relations et ses projets (sans ressentir le besoin de communiquer sur l’historique des gares et de leurs programmes déjà largement
étayés par d’autres)…afin d’aboutir à une critique spatiale de la limite.
Notons que la mise en page de cette étude est une invitation à la réaction, chaque verso étant dédié au lecteur.
1 Jean-Pierre Vernant in « Série Actes de la recherche en sciences sociales », n° 166-167, 2007 (p1)