LA VILLA TENAYA DE BAYONNE, CHEF D’ŒUVRE D’YVES SALIER
Rencontres.
Ce maître d’ouvrage, cultivé et hédoniste, cherchant une propriété assez grande – dans la forêt, si possible – pour y construire sa thébaïde loin de voisins. Joie de la pêche sur internet : une recherche sur une quantité de surface de terrain ramène cette extraordinaire maison. Contrepied, coup de cœur et hésitation, que faire de cette masse, comment rafraîchir et relancer cette quinquagénaire pleine d’allant ?
C’est Charlotte Paranteau, travaillant depuis des années au sein de l’agence sur des projets de rénovation de patrimoine bâti ancien, qui suggère à notre futur maître d’ouvrage que ce savoir-faire doit pouvoir s’adapter à des constructions plus modernes.
Rencontres, du site du bâtiment et du nouveau propriétaire, intimidation, et enthousiasme devant cette étonnante bâtisse qui modifiait notre vision – très incomplète – de l’architecture de Courtois & Salier : beaucoup plus « Schindler » que « Neutra » par cette science des masses, son attirance pour le pesant, très adapté à l’opulence végétale du parc qui l’entoure.
L’intérieur confirmait cette intuition : c’était bien l’expérience du Raumplan qui se développait là, sans la nécessité d’une forme extérieure stable requise par la situation suburbaine des maisons de Loos.
Ici l’étalement épousait le terrain naturel et l’adaptation des hauteurs de plafond aux différents espaces accompagnait les parcours – modulant et rythmant atmosphère et humeur – et offrait une grande variété de cadrages magnifiques sur l’horizon bleu et ondulé du piémont pyrénéen. Les quelques pièces privées du spectacle du grand paysage jouissaient de vues étudiées sur des végétaux précieux.
Une visite du site avec Pierre Lajus (qui nous a confié le tiré à part de Maison Française – juin 1975 – à la suite de notre reportage photo) permettait de redonner vie à une époque qui s’efface, les intentions des premiers maîtres d’ouvrage, leurs goûts.
Respect.
Il n’y avait rien à repenser, sauf peut-être la salle de bain principale et la cuisine, victimes manifestes de compromis de fin de chantier (Yves Salier ne passait pas pour avoir bon caractère, le chantier dut être long, la lassitude empêcha de réfléchir).
L’impossibilité de saigner les murs et les plafonds crépis, et les sols où circulaient les conduites d’air chaud, fit du projet un travail sur les réseaux extérieurs : la presque totalité du résultat de notre créativité est enterrée.
Nouvelle cheminée, toiture remise à neuf, rénovation technique des thèmes architecturaux de la maison : jour zénithal et brise-lumière intérieur, et la voilà aussi belle qu’au premier jour.
| le festin – hors série 101 maisons et villas – novembre 2018
| maison française – n° 288 – juin 1975
© Denis Lacharme