Edouard Touton
Comment la narration graphique éclaire-t-elle les raisons du projet ?
Nous percevons, au cours de l’histoire, autant de types de représentations que d’outils de réalisation : Crayon, fusain, plume, collage, encre de chine, pastel, différentes sortes de papier, technique du pistolet, aérographe… L’ensemble de ces outils, et l’évolution technique des différents moyens de communication, ont toujours offert un nombre infini de possibilités à la représentation graphique de l’architecture. Suite à cette analyse historique nous sommes en mesure de constater que l’ensemble des dessins d’architecture sont sujet à deux grands types de représentations, présents en proportions variables à chaque époque et ce, quel que soit le parti pris et le medium de l’auteur : d’une part la représentation graphique comme processus d’objectivisation et d’autre part la narration graphique comme moyen d’expression artistique et personnelle.
L’image, grâce à l’art abstrait, avait franchi la barrière du réalisme et, dans son sillage, toute la représentation graphique de l’architecture. Au cours du 20° siècle, les modes de narration avaient pour but de montrer la quintessence d’un projet à travers les nombreux outils disponibles. Aujourd’hui pourtant, et malgré les avancés de l’architecture moderne, il est inévitable de constater un retour en arrière flagrant au travers un hyperréalisme informatique séducteur et persuasif. L’idéologie sous-jacente à cette mise en avant de l’image numérique comme simulation d’une réalité à venir laisse penser que le bâtiment achevé se suffit à lui-même, oblitérant tout le processus de conception, tout le système des valeurs auquel adhère l’architecte. L’architecture n’existerait plus que dans sa matérialité, sa présence physique, indépendante du monde des idées qui l’a pourtant générée.
L’évolution des doctrines est intimement liée à l’évolution des moyens de représentations, mais cependant le dessin se perd. Puisque c’est à travers celui-ci qu’émergent tendances et styles, la crise actuelle en architecture ne proviendrait donc pas tant du problème d’un individualisme chronique, comme on le pense souvent en parlant des ‘starchitectes’, mais du problème d’une homogénéité globale des rendus ! Les architectes du 20ème siècle, par exemple, ont chacun leurs propres styles graphiques, mais grâce à leur façon d’appréhender le dessin, donc l’architecture, il nous est possible de donner une suite logique et clarifier leurs discours à l’aide de ces représentations. Dans des représentations où les images de synthèses se superposent les unes sur les autres et où deux architectes peuvent avoir recours au même perspectiviste, comment devient-t-il possible de comprendre leurs intentions ? L’objet architectural, réduit à son image même, souffre de l’absence de discours critique valable. Ce discours critique était pourtant palpable dans la narration graphique du projet
Edouard TOUTON